Cet article a été publié initialement le 02 février 2022.
Propre depuis des années aux économies en déroute (Venezuela, Liban, Zimbabwe…), l’inflation est devenue l’invitée surprise de la pandémie de covid-19 pour nombre de pays. « Punk.ma » a élaboré ce guide pour comprendre l’inflation et ce qu’elle peut signifier pour vous.
Qu’est ce que l’inflation ?
L’inflation est une perte de la valeur de la monnaie se traduisant par une hausse générale des prix. C’est donc une hausse générale (cela signifie que TOUS les prix des biens et services sont concernés, pas seulement les prix de l’huile de table par exemple !) qui se matérialise naturellement par une baisse de la valeur intrinsèque de la monnaie (normal vu que tout est devenu plus chère). Les Américains parlent de « too many dollar chasing too few goods ». Sauf exception, 10% d’inflation signifie que tout ce qui peut s’acheter avec de la monnaie est 10% plus cher qu’il ne l’était. La monnaie a donc perdu 10% de sa « valeur ». La hausse dans le cas de l’inflation est donc absolue et concerne tous les secteurs/marchés.
Pourquoi l’inflation est une mauvaise chose ?
L’inflation se traduit toujours par une hausse générale des prix. Elle rogne donc énormément les revenus des populations vulnérables. L’inflation peut aussi paupériser du jour au lendemain les classes moyennes si sa trajectoire est trop prononcée.
L’inflation peut-t-elle être une bonne chose ?
Une inflation modérée est défendue par nombre d’économistes, principalement parce qu’elle peut alléger le fardeau des dettes. Toutes les dettes, qu’elles soient détenues par des entreprises, des personnes ou des États, sont plus « soutenables » grâce à l’inflation. Comment ? Imaginez que vous avez contracté un crédit à taux de 5%, mais qu’entretemps l’inflation augmente de 4%. Cela signifie que le taux d’intérêt réel que vous payez n’est que de 1%. Mais si l’inflation peut atténuer la valeur de la dette, n’oublions pas qu’elle peut aussi faire fondre les petites épargnes.
Quels sont les causes de l’inflation ?
Les causes de l’inflation sont complexes et peuvent être multiples. Cependant, L’inflation que connait le monde actuellement est plus peu facile à appréhender parce qu’elle est la conséquence directe des dysfonctionnements due à la pandémie de Covid-19. A la sortie des confinements sévères de 2020, une demande trop forte et brutale émanant des consommateurs a fait surchauffer la machine économique, provoquant des ruptures de stock lui-même exacerbées par des problèmes de transport et de logistiques. En bref (et pour simplifier !), Les entreprises, déstabilisées par la pandémie, se sont fait surprendre par une demande en biens et services tellement forte qu’elles ont augmenté leur prix.. L’inflation actuelle est donc principalement la conséquence des pénuries et des dysfonctionnements des chaines logistiques mondiales.
Le Maroc est-t-il concerné par l’inflation ?
Les dernières statistiques de la banque centrales montrent que l’inflation était d’à peine 1.8%. Rien à voir avec les chiffres qu’expérimentent les USA. L’inflation est tellement bien maitrisée au Maroc, que certains économistes réclament même une politique monétaire plus souple à même de lutter contre le chômage et de booster la croissance même si c’est au prix d’une inflation de 5 à 6%.
L’inflation a-t-elle des ressorts psychologiques ?
L’économie comportementale est née face à un constat : les comportements humains n’étant pas toujours rationnels, il faut alors considérer la dimension psychologique des phénomènes économiques. Dans le cas de l’inflation, des chercheurs considèrent même que les attentes des consommateurs peuvent participer à une hausse des prix. Comment ? Principalement parce qu’en économie, les prophéties (ou spéculations) sont auto-réalisatrices. Dans le cas de l’inflation, ils arrivent que des consommateurs qui s’attendent à des hausses des prix ou à une pénurie d’un type de biens se ruent sur ledit bien pour constituer des stocks de précautions, sauf que ces achats de masses, souvent motivés par la panique, conduisent parfois à des pénuries et parfois à de l’inflation. C’est donc comme cela que des attentes fausses et irrationnelles concernant la rareté fantasmée d’un produit, engendrent des pénuries et des hausses de prix bien réelles. Le gouvernement algérien invoque d’ailleurs souvent cette théorie pour expliquer les pénuries d’huiles ou de lait….
Comment l’inflation peut impacter les salariés ?
Au Maroc, l’inflation n’est pas indexée sur les salaires par la force de la loi. Cela signifie que même si les prix des biens et services (logements, denrées alimentaires, frais de santé…etc) sont plus chers, rien n’oblige les employeurs à augmenter la rémunération de leurs employés. Si c’est, une bonne ou mauvaise chose est un autre débat qui déchirent les économistes. Sans indexation des salaires, l’impact de l’inflation sur les salariés dépend principalement des marges de négociations des travailleurs sur le Marché du travail. Si les employeurs manquent de bras, ils auront tendance à augmenter les salaires pour attirer les travailleurs. Mais dans le cas ou il y’a un chômage conséquent les employeurs disposent alors d’un « stock » important de travailleurs sur le marché de l’emploi, ils ont dès lors moins d’incitations à augmenter les salaires mêmes si le cout de la vie augmente…
Pourquoi au Maroc les salaires ne sont pas indexés sur l’inflation ?
Les autorités financières craignent probablement que l’indexation ne vienne accentuer d’éventuelles tensions inflationnistes comme ceux apparus dans le contexte pandémique. En effet, en cas de tensions inflationnistes avérées, l’indexation des revenus issus des salaires ne peut que compliquer la situation. Car des salaires plus haut obligent les entreprises à réajuster à la hausse le prix de leurs produits, ce qui impacte naturellement le prix des biens et services, on parle alors de spirale inflationniste. Sauf dans le cas des retraites qui sont beaucoup plus vulnérables face à l’inflation à cause de la nature de leurs revenus qui sont fixes.
Comment l’inflation peut impacter les retraités ?
Au Maroc, les pensions de retraite ne sont pas indexées sur l’inflation, sauf pour ceux qui bénéficient de caisse de la CIMR qui revalorise en théorie chaque année les pensions selon l’inflation. Ça signifie que malgré un renchérissement du cout de la vie et une baisse du pouvoir d’achat, les retraités ne verront pas leurs pensions revalorisées.
Que pensent les économistes de l’inflation ?
C’est un euphémisme de dire que les économistes ne s’entendent pas sur l’inflation. La polarisation gauche/droite est un marqueur évident des avis des économistes sur les sujets. Les économistes de droite insistant toujours sur les cotées négatives de l’inflation comme la baisse du pouvoir d’achats des consommateurs. Ceux de gauche considérant qu’une inflation modérée est une bénédiction pour le budget de l’Etat car elle allège le poids de la dette, encourageant l’Etat à investir plus.
Comment lutter contre l’inflation ?
Les banques centrales sont généralement à la pointe de la lutte contre l’inflation. Leur mandat principal est d’ailleurs souvent la maitrise de celle-ci. On dit alors des banques centrales qu’elles ont pour mission de garantir la stabilité des prix. Le rôle des banques centrales n’échappe pas lui aussi aux controverses et au clivage gauche/droite des économistes. Ceux de droite défendant l’idée que la banque centrale doit se concentrer sur la stabilité des prix, en agissant sur le taux directeur (le prix de l’argent) tout en se gardant de la tentation d’imprimer plus de billets pour agir sur le chômage et la croissance économique. Quant aux économistes de gauche, ils vous diront surement que la banque centrale peut dans certaines conditions avoir recours à la création monétaire (littéralement imprimer des billets et les distribués sous forme de crédit à bas taux) afin de stimuler l’économie et agir sur le chômage même si c’est au détriment d’une inflation modérée.