Beaucoup d’adultes, spécialement ceux nés après 1990 n’ont jamais expérimenté l’inflation. Quant à ceux qui l’ignorent, ils risquent d’en faire l’expérience bientôt car il est difficile de croire que l’inflation mesurée 7% aux Etats-Unis et à 5.1% en Europe ne deviendra pas bientôt un phénomène mondialisé auxquelles on voie difficilement le Maroc en échappé. Les causes ? La plus part du temps c’est un déséquilibre entre l’intensité de l’Offre et de la Demande des Marchés (monétaire ou des biens et services) qui est à blâmer. Mais comme beaucoup de phénomènes économiques complexes, les causes de l’inflation sont loin d’être clairement intelligibles même pour les économistes. Le Chief global Economist de la banque américaine Morgan Stangley, parle même de « dirty little secret » en parlant de l’incapacité des diverses théories économiques à prédire correctement les mouvements de l’inflation.
Généralement les économistes expliquent l’inflation comme étant les résultats d’un déséquilibre entre la quantité de monnaie en circulation et la quantité de biens et services réellement disponibles. Les américains parlent de « too many dollar chasing too few goods ». Sa manifestation la plus spectaculaire arrive généralement quand la banque centrale d’un pays se met à imprimer bien plus de billets de banque que ce que l’économie produit réellement en biens et services. C’est ce qui est arrivé au Zimbabwe où la générosité excessive de la banque centrale a conduit le pays à faire l’expérience d’une inflation de 231 000 000 % ! Après cet épisode le pays abandonnera sa « monnaie » pour opter carrément pour le dollar américain.
Mais l’inflation n’est pas le propre des pays s’adonnant à des expériences douteuses avec leurs banques centrales, elle est aussi venue parfois plomber les économies occidentales modernes. C’est ainsi que pour analyser (vulgariser surtout !) les causes de l’inflation qui accable de temps en temps les économies capitalistes, il est intéressant de jeter un coup d’œil à l’histoire des phénomènes inflationnistes expérimentés par le laboratoire mondial du capitalisme que sont les États-Unis. Et depuis 1945, ils ont en connu six. Trois de ces épisodes inflationnistes ont un rapport direct avec des conflits géopolitiques que sont la guerre de Corée (1950), le choc pétrolier (qui fût l’épisode le plus long, l’inflation s’installa alors de 1973 à 1982) et l’invasion du Koweït par l’Irak. Deux furent la cause directe de contextes économiques exceptionnels : de 1969 à 1971, une croissance économique très vigoureuse fait surchauffer la machine pour déboucher sur une hausse des prix. Le deuxième est plus récent et il n’a duré que deux mois : juillet et aout 2008. Il fut causé par une hausse vertigineuse du prix du baril du pétrole qui a atteint les 140 dollars. Des six épisodes inflationnistes, c’est l’inflation précipitée par la fin de la Deuxième Guerre mondiale (1946-1948) qui fait le plus écho à la situation actuelle. En effet, La fin de la guerre a entrainé une levée d’une séries de restrictions et de rationnements en tout genre, qui font alors explosée la Demande, provoquant des ruptures de stock et des déséquilibres des chaines logistiques (ca ne vous évoque rien ?) pour finalement déboucher sur une inflation record atteignant les 20% ! Difficile de ne pas voire le parallèle entre la sortie de la deuxième guerre mondiale et la sortie de la pandémie.
Au Maroc, l’inflation complique indéniablement la tâche pour le gouvernement. Une sécheresse aiguë combinée à une hausse fulgurante du prix des hydrocarbures pourrait causer une hausse des denrées alimentaires qui, dans le contexte actuel, pourraient déboucher sur de l’inflation. Mais face à l’inflation, les populations les plus vulnérables peuvent encore compter sur la caisse de compensation pour atténuer ses effets sur les produits de première nécessité telles que le sucre, le blé ou le gaz. Critiquée parfois comme un dispositif inefficace et moyenâgeux, on lui préfère la distribution ciblée des aides aux ménages les plus vulnérables. En attendant le déploiement de ce nouveau paradigme, la caisse de compensation sera probablement le dernier rempart dont disposent les consommateurs marocains face à la détérioration de leur pouvoir d’achat. Rappelons qu’en 2012 la charge de la compensation pour le budget de l’État avait atteint 56,3 milliards de dirhams, ce qui avait amené le gouvernement à engager des réflexions sur la pérennité du dispositif débouchant sur la « décompensation » des prix des hydrocarbures. Face aux tempêtes inflationnistes à venir, la caisse de compensation tiendra-t-elle le coup cette fois-ci ?
N.B : cet article date du 15 février 2022.