Banal. Oui, banal.
Ainsi décrirais-je, en toute conscience, les acteurs du paysage médiatique marocain (à quelques exceptions près).
Banal sont les faits rapportés par ces acteurs de la toile marocaine.
Pour s’aviser de la « qualité » du travail journalistique de ces médias, vous l’aurez compris, une intelligence inouïe n’est guère nécessaire.
Entre les « reels » rapportant les faits et gestes des personnalités publiques, ceux reprenant des vidéos d’une personne brandissant un drapeau LGBT, passant par les micros-trottoirs improvisés donnant écho aux élucubrations des « penseurs » de la Nation, on est loin de la Charte de Munich. Très loin.
La logique est claire : la quête du buzz et des clics est érigé comme le principe directeur de la stratégie de ces acteurs médiatiques.
En découle alors des médias qui discutent des gens à la place d’idées, du superficiel à la place du substantiel, du superflu au lieu de l’essentiel.
Enfantant ainsi un spectacle banal, un e-spectacle de banalité : le rédacteur-en-chef, les journalistes et les « users » marocains sont aux médias ce que le réalisateur, les acteurs et les spectateurs sont au spectacle.
Par cette chronique, j’accuse. J’accuse cet e-spectacle médiatique. J’accuse la banalité et médiocrité véhiculées, même si, avouons-le, la banalité aurait honte de ce piètre spectacle et la médiocrité s’en cacherait par pudeur.
J’accuse en ayant une pensée aux victimes : les voix sans voix, les langues muettes, les consciences aveugles. Bref, l’essentiel.
Car oui. La banalité a un prix : la disparition de l’essentiel. L’agonie des véritables enjeux, les défis qui importent réellement pour un Maroc meilleur.
Prenons la réforme du Code pénal marocain. Voici un sujet dont on parle me dira-t-on : les articles fusent tous azimuts depuis des mois sur l’article 490, la dépénalisation des relations hors-mariage, l’avortement…
Mais le Code pénal n’est-il qu’une question de libertés individuelles ? Quid des dispositions pénales sur la lutte contre la corruption ? l’enrichissement illicite ? le traffic d’influence ?
Libertés individuelles ou criminalité d’affaires, les deux notions relèvent du Code pénal. Pourtant, la lumière médiatique est clairement inéquitable à l’égard des deux sujets. Le premier serait plus légitime que le deuxième ?
Or, le Maroc ayant perdu 14 places dans l’indice de perception de la corruption depuis 2019, il est tout aussi essentiel de s’interroger sur le sort des dispositions relatives à la criminalité d’affaire, notamment l’enrichissement illicite dans la prochaine réforme du Code pénale.
Au fond, la disparition de l’essentiel se traduit par le « triptyque du silence », soient les sujets dont on ne parle point car oubliés, omis ou érigés comme intouchables par la société ou la loi. Autrement dit, il y a des sujets dont on ne parle pas, des sujets dont on ne veut pas parler. Enfin, des sujets dont on ne peut pas parler.
Que faire dès lors ?
Donnons voix aux sans voix, faisant parler les langues muettes, éclairons le chemin des consciences aveugles. Bref, attachons-nous à l’essentiel. Le Maroc en gagnera. Nous en gagnerons. Amplement.