Dans la nuit du 25 décembre 1991, l’Union soviétique s’effondre. Dans le sillage de sa disparition, 15 États sont nés dont la Russie et l’Ukraine. Vladimir Poutine voit cette chute comme « la plus grande tragédie géopolitique du vingtième siècle ». Pourtant il serait faux de croire que le leader du Kremlin est un nostalgique du communisme, il l’a d’ailleurs clairement fait savoir dans son discours du lundi 22 février et dans lequel il accuse les idéologues de l’Union soviétique d’être à l’origine de la situation actuelle. Pour démontrer que « l’Ukraine n’a jamais été un État authentique », il a invoqué l’histoire soviétique pour souligner son caractère « artificielle » . Il a même déclaré « vous voulez la dé-communisation ?! ça tombe bien nous aussi….nous sommes même prêt à vous montrer ce qu’une dé-communisation signifie pour l’Ukraine». Le président russe, n’idéalise pas l’histoire soviétique, il est plutôt un nostalgique de l’ordre mondial dans lequel la Russie avait un poids géopolitique considérable capable de balancer celui de l’Occident. Vladimir Poutine, considère que la Russie est victime des erreurs des fondateurs de l’Union soviétique : les bolchéviques. Plus précisément, il blâme le découpage territorial opéré par les révolutionnaires bolchéviques en 1920, victorieux alors de l’empire tsariste, pour servir et défendre des intérêts géopolitiques actuels. Et si ses intérêts géopolitiques actuels sont discutables, l’Histoire de l’empire soviétique lui donne parfaitement raison. En effet, les fondateurs de l’Union soviétique ont intentionnellement créé des frontières dans le but de semer le chaos en cas de dislocation de leur empire nouvellement conquis. Les dirigeants soviétiques sont donc directement à l’origine de la situation actuelle ! Et en parlant de « décommunisation » de l’Ukraine, il montre sa logique : l’Ukraine n’est ni plus ni moins qu’un pseudo-État créé par les communistes pour être un État vassal de la Russie et dont la décommunisation ne signifie ni plus ni moins que son démantèlement…
À leur prise de pouvoir, les leaders révolutionnaires ont eu la drôle d’idée de dessiner des frontières, en usant de découpage démographique et administratif bizarre et « insensé » pour s’assurer qu’une division de l’Union soviétique ne pouvait mener qu’à un bain de sang. C’était leur manière de cimenter l’Union alors naissante des républiques socialistes et soviétiques. Après la fin de la guerre civile russe en 1920, les révolutionnaires communistes se sont retrouvés devant un drôle de dilemme : durant leurs années de lutte, ils se sont présentés comme des libérateurs des peuples de l’Empire tsariste, des champions des droits des peuples « à l’autodétermination ». Mais en gagnant leur guerre contre le régime de l’empereur, ils se sont retrouvés avec un territoire multiethnique, gigantesque et couvrant une douzaine de nationalité. Et bien sûr, ils n’allaient pas abandonner les territoires conquis à leurs populations respectives juste parce que leur rhétorique promettait le droit à l’autodétermination aux peuples du monde entier !
Alors pour équilibrer entre réalismes géopolitique et idéologie de libération des peuples, les révolutionnaires eurent l’idée du « soviet », premier échelon territorial de l’immense Union soviétique. Le soviet est une unité administrative « de base » qui fonctionne en pratique comme un conseil élu capable d’incarner la volonté populaire en prenant des décisions au niveau local et en élisant des représentants au niveau de la « republique ». Ces représentants, élus par les conseils-soviets, incarnent alors la république soviétique. Puis, ces républiques soviétiques se sont volontairement unies selon la narration très officielle de l’époque pour former l’union DES républiques socialistes et soviétiques, l’acronyme de l’URSS ! C’était donc une sorte de super fédération de républiques telles que le Kazakhstan, la Biélorussie, la Lituanie…etc. Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Staline demandera même au nom de la supposée autonomie des républiques soviétiques la mise à la disposition d’un siège à l’ONU pour chacune d’entre elles, les États-Unis répliqueront en demandant alors un siège pour chaque État composant les USA et l’affaire en resta la…
Le « soviet » est donc la réponse des bolchéviques à la question très sensible de l’autodétermination des peuples. Tchétchène, tartares, Caréliens sont tous alors en théorie autonomes et leur allégeance à l’Union soviétique est décrite par les dirigeants soviétiques comme « volontaire ». Le cynisme soviétique (des athées radicaux) les poussera même à déclarer un « no mans land » situé à la frontière avec la chine, terre sainte pour les juifs : le Birobidjan…
Les républiques soviétiques étaient en théorie autonomes et pouvaient faire sécession s’ils le décidaient démocratiquement…mais dans la réalité tout était mis en œuvre pour rendre cela très compliqué. Le découpage des frontières entre l’Arménie et Azerbaïdjan est un témoignage de la volonté des dirigeants soviétiques de rendre toutes sécessions ou redécoupage impossibles sans effusion de sang. Vous pouvez remarquer dans la carte qui suit comment l’Azberaijan est « discontinue » et que planté au milieu de son territoire il y a une enclave arménienne le Nagorno Karabakh…
Vladimir Poutine, officier de renseignement de l’Union soviétique, sait très bien que la Russie a toujours façonné à sa guise les frontières des pays qui lui sont limitrophes. Et il a raison quand il affirme que « l’Ukraine est le résultat de politiques bolchévique, L’Ukraine peut très bien s’appeler Vladimir ilyich Lenine, car il en est l’architecte et l’auteur ». L’Histoire montre que les dirigeants soviétiques ont délibérément dessiné des frontières pour que les dirigeants de la Russie disposent toujours de leviers pour influer sur les affaires de leur zone d’influence historique. Et poutine a déjà démontré que s’il a décidé d’abandonner l’idéologie soviétique : le communisme, il n’abandonnera pas les leviers que lui ont légués les dirigeants soviétiques pour que le Kremlin puisse garder son influence sur son voisinage immédiat. Et il s’appuie maintenant sur ces leviers pour corriger ce qu’il considère comme une humiliation suprême et une menace existentielle : l’extension de l’Otan vers L’est. En décrivant l’Ukraine comme un pseudo-Etat, Vladimir Poutine montre au monde sa détermination, car il est clair que s’il considère l’Ukraine comme un pays dont la seule fonction est d’être un État vassal de sa Russie (et l’histoire lui donne en partie raison! ), il ne reculera probablement devant rien pour démanteler l’Ukraine telle qu’elle est actuellement…
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