D’après les projections de l’Organisation des Nations Unies, la population mondiale franchira le cap des 8 milliards en novembre 2022, contre seulement près de 2 milliards en 1922. Si la croissance démographique mondiale ne cesse de s’accélérer, une répartition à plusieurs vitesses se dessine, notamment au sein des principaux foyers de peuplement : l’Asie de l’Est, l’Asie du Sud et l’Europe.
Entre risques et enjeux, faut-il systématiquement combattre la croissance démographique ?
QUAND L’HOMME SE MET LA NATURE À DOS
A priori, des préoccupations environnementales peuvent se dresser : les hommes prolifèrent tandis que les ressources naturelles s’amenuisent.
Il est de notoriété commune que l’eau est indispensable à la vie. Toutefois, sur Terre, seul 2,5% de l’eau totale est de l’eau douce et donc potable. S’ajoute à cela une inégale répartition de l’eau selon les régions : près de 43 pays se trouvent en pénurie d’eau et une personne sur cinq n’a pas accès à l’eau potable. Dès lors, l’eau revêt son surnom d’or bleu, or de plus en plus convoité à mesure que la croissance démographique s’accélère. En effet, des conflits hydrauliques ou “guerres de l’eau” se profilent d’ores et déjà dans la région du Proche-Orient mais risquent de s’intensifier et de se propager si une gestion de l’eau sous-optimale perdure.
En outre, l’empreinte écologique laissée par l’Homme dénote à la fois un épuisement des ressources naturelles ( pétrole, gaz … ) ainsi qu’une surexploitation de celles-ci ( déforestation, terres arables, surpêche …). Il s’avère que les pays les plus développés possèdent des ressources suffisantes pour nourrir l’ensemble de l’humanité. Pourtant, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ( FAO ), près d’un tiers de la production alimentaire mondiale est gaspillée annuellement tandis qu’un milliard de personnes souffre de malnutrition. La charge environnementale imposée à la planète s’alourdit elle-aussi face à un tel gaspillage irrationnel des ressources.
Ainsi, l’augmentation d’êtres humains est en corrélation avec l’accroissement des ressources exploitées, faisant naître un incessant cercle vicieux : la demande en ressources s’accroît exponentiellement. Si celle-ci venait à dépasser l’offre en ressources, le monde se trouverait en pénurie, pénurie traduite par le Jour du dépassement. Ce dernier désigne la date à laquelle l’humanité a consommé les ressources naturelles que la Terre peut renouveler en un an. Cette date régresse, de plus en plus précoce, passant du 29 décembre en 1970 contre le 28 juillet en 2022.
Une hypothétique décroissance démographique serait-elle la solution ?
La restriction démographique n’est absolument pas à envisager.
Cette doctrine édifiée par l’économiste britannique Thomas Malthus se définit par une attitude politico-économique qui prône le contrôle de la démographie afin de pouvoir maîtriser les ressources. Le malthusianisme, promouvant un strict contrôle des naissances, peut certes s’effectuer de manière démocratique, en diffusant les moyens de contraception, en légalisant l’avortement, mais également de manière autoritaire, à l’instar de la Chine. En 1972, Pékin impose un âge minimum au mariage puis adopte en 1979 la politique de l’enfant unique. Ce durcissement du contrôle des naissances pallie une hypothétique surpopulation galopante qui aurait pu rompre l’équilibre du pays, tant sur les plans économiques que sociaux. Cette politique a permis de faire régresser le taux de fécondité puisque le nombre d’enfants par femmes est passé de 2,8 en 1979 à 1,8 en 2013.
Néanmoins, au Vietnam et en Thaïlande, des résultats similaires sont constatés par les démographes dans des pays n’ayant pas appliqué cette politique de l’enfant unique, amenant à un véritable questionnement sur son efficacité. La Chine a finalement assoupli cette politique pour autoriser deux enfants par couple chinois le 29 octobre 2021, en réponse au fait que le pays dénote un vieillissement de sa population ainsi qu’un ralentissement de son activité sans compter le fardeau menaçant des retraites. Selon les Nations unies, la population captive va diminuer de 9% entre 2015 et 2030 tandis que le nombre de retraités va exploser pour atteindre 350 millions d’individus, toujours à l’horizon 2030. Des études études officielles constatent aussi une “crise des célibataires” avec plus de 30 millions d’hommes chinois incapables de trouver une femme dans leur propre pays.
Malgré les échecs asiatiques, le malthusianisme est parfois invoqué comme réponse aux inquiétudes relatives à la rareté des ressources et à la catastrophe climatique. Mais n’en déplaise à certains, il ne se qualifie sans équivoque pas comme une solution optimale, alignée avec les optiques de développement durable puisqu’il reste néfaste aux piliers économiques et sociaux. S’ajoute à cela que le croissance démographique pourrait même être une solution puisqu’elle favorise l’émergence de conditions nécessaires au progrès environnemental et social durable.
Certains économistes plus optimistes, à l’instar de Hisakazu Kato, estiment qu’une large population générerait plus d’idées, idées qui favoriseraient la rapidité des progrès technologiques. De ce fait, un plus grand bassin de capital humain renforce le développement technique et culturel, préparant ainsi les sociétés de demain.
Cette thèse est aussi soutenue par l’agronome Norman Ernest Borlaug, lauréat du prix Nobel de la paix de 1970 et qui avait alors privilégié les innovations technologiques aux agendas anti-humanistes. Cet américain s’est vu attribuer le surnom de “Père de la Révolution Verte”, en Inde et au Pakistan, après avoir introduit puis développé des cultures de blé semi-nain dans les domaines agricoles pour venir en aide aux populations. Résultat ? Depuis 1974, l’Inde est en mesure de s’auto-suffire dans tous les céréales.
D’après des chercheurs de l’université californienne UC Berkeley, “l’empreinte carbone moyenne des ménages vivant dans le centre des grandes villes urbaines à forte densité de population est d’environ 50 % inférieure à la moyenne, tandis que les ménages des banlieues éloignées sont jusqu’à deux fois supérieures à la moyenne.” Bien que cela semble contre-intuitif, les centres villes pollueraient moins que les banlieues car les zones densément peuplées offrent aux gens l’opportunité d’avoir plus recours aux transports en commun, aux pistes cyclables (en Europe et en Amérique du nord…), la possibilité d’habiter dans des appartements qui économisent la superficie du terrain grâce à leur verticalité contrairement aux zones moins denses disposant de moins d’infrastructures. Ils sont donc peut-être une ébauche de solution aux problématiques de développement durable. Et si on arrêtait donc de diaboliser l’accroissement de la population des villes en agitant l’épouvantail de l’exode rural ?