Pour accomplir le tour du monde autour de l’équateur il vous faut parcourir quelques 40 000 Km, alors que pour atteindre le centre de la terre, il ne vous faudra creuser « que » 6374 Km, soit presque la distance entre Casablanca et la capitale Gabonaise Libreville. « Si curieux que cela puisse paraître, nous comprenons bien mieux la distribution de la matière à l’intérieur du Soleil qu’à l’intérieur de la Terre. » disait Richard Feynman du bien mystérieux monde sous nos pieds.
Si, contrairement aux tempêtes, on ne peut toujours pas prédire les séismes, c’est que les scientifiques ignorent encore beaucoup de ce qui se passe dans les profondeurs de la terre. Pour les géologues, dépasser l’écorce terrestre pour toucher le Manteau est un rêve à comparer avec les aspirations passées des astronautes à vouloir marcher sur la lune. Pour ceux qui l’ignorent, le manteau est la deuxième « couche » qui vient après la croûte rocheuse sur laquelle nous vivons. Mais si l’homme a marché sur la Lune, il n’a toujours pas réussi à atteindre le Manteau.

Pour en savoir plus sur cette couche « visqueuse » en contact avec le noyau de la terre, les américains , en pleine guerre froide, essayèrent d’atteindre le manteau en creusant la croûte océanique, réputée plus fine que la croûte terrestre et continentale qui couvre quant à elle jusqu’à dans les 100Km par endroit. Ils calculent qu’il ne leur faudra creuser que 5600 mètres au larges des côtes du Mexique pour dépasser l’écorce et atteindre le fameux Manteau. Sauf que rien ne se passa vraiment comme prévu. En six ans à creuser ce trou en mer, les américains ne dépassèrent guère les 200 mètres. Autant dire que le projet se révéla être un sacré fiasco. Et guerre froide oblige, les soviétiques se mirent évidemment dans la tête d’atteindre eux aussi le Manteau. Et ils se montrèrent bien plus tenaces que les américains. Avec un plan moins sophistiqué que leurs rivaux, ils décidèrent de forer sur la terre ferme, plus précisément à la frontière avec la Finlande. Tenaces, les soviétiques commencent à forer en 1970 jusqu’en 1992 pour atteindre les 12 262 mètres, qui représente encore à ce jour le point artificiel le plus bas jamais atteint par les machines de l’homme.
Ce trou déboucha finalement sur plus de questions que de réponses. On découvrit par exemple qu’il faisait bien plus chaud sous terre que ce que les modèles des géologues prédisaient. Près de 180 degrés à 10 000 mètres soit le double du niveau attendu. Mais le plus étrange c’est qu’ils découvrirent des roches saturées d’eau. Une eau qui n’avait en théorie rien à faire à cette profondeur car les eaux de surface ne pouvaient franchir des couches de roche imperméable pour atteindre des profondeurs de 4-5 kilomètres.
Aujourd’hui que savons-nous de l’intérieur de la Terre ? Franchement pas grand-chose. La plupart des manuels de géologie vous diront que sous nos pieds il y’a quatre « couches » : une croûte de roches, un manteau de roches « visqueuses », un noyau liquide et un noyau final solide aussi chaud que la surface du soleil. On sait aussi qu’il y aurait quelque part une ceinture de métaux liquides à l’origine du champ magnétique terrestre. Pourquoi la terre est la seule planète à disposer d’une tectonique des plaques ? Mystère. Comment les différentes couches de la terre interagissent entre elles ? Mystère encore. De quoi est constitué le Manteau qui forme 82% du Volume de la Terre et 65% de sa masse ? Mystère toujours.
Pour ne rien arranger, comme les économistes, les géologues ont l’habitude de se détester cordialement. Il leur fallut plusieurs décennies pour digérer que les continents bougent et qu’il fut un temps où ils ne constituaient qu’un seul continent : la pangée. Albert Einstein, avant sa mort en 1955, rédigea une préface d’un livre de Charles Hapgood réfutant catégoriquement l’existence de tels mouvements, maintenant attestés. Le lecteur était invité à ne pas s’y méprendre et croire en ces superstitions de géologues mal inspirés. Pour les géologues orthodoxes comme Hapgood, l’idée que les roches de l’Afrique correspondaient à celles de l’Amérique n’était qu’une stupidité. Le seul problème c’est que ces roches ne se ressemblaient pas. Elles sont littéralement les mêmes ! Les travaux montrant les similitudes de la faune et la flore entre les deux côtés de l’Atlantique furent systématiquement discrédités par le camp de Hapgood, qui ne fut pas seulement soutenu par des pointures de la science comme Albert Einstein, mais aussi par un nombre important de la communauté des géologues. Et le fait que la théorie du supercontinent de la Pangée, qui dérangeait tant les plus honorables des géologues et impliquait une dérive des continents, émanait d’un météorologue y était probablement pour quelque chose !
Les géologues ne s’entendaient déjà pas très bien avec les géophysiciens ou les géochimistes alors vous imaginez que les propositions révolutionnaires du météorologue Wegener (aujourd’hui acceptées bien que perfectionnées) ne firent pas que des enthousiastes parmi les spécialistes des entrailles de la terre.
Le plus étrange dans l’opposition initiale des géologues à la théorie de Wegener, demeure le fait que les géologues du début du vingtième siècle avait affreusement besoin de supposer l’existence d’un supercontinent qui se serait disloqué pour dériver et engendrer le schéma actuel des continents. Car comment expliquer par exemple que des fossiles d’animaux identiques se retrouvent de part et d’autre des océans à des époques similaires?
L’idée de Wegener qui veut que les continents actuels aient constitués autrefois une unique masse de terre avant de se séparer pour dériver jusqu’à leur position actuelle représentait une réponse élégante et utile à ce genre de questions fort gênantes pour les géologues. Mais pendant les 60 premières années du vingtième siècle, on lui préféra « l’Isostasie » qui veut que les continents bougent verticalement de bas en haut et non pas horizontalement. Ou encore la théorie de la pomme cuite défendu par Edouard Suess qui explique qu’en se refroidissant la terre se serait ridée à la manière d’une pomme cuite, générant ainsi les montagnes…
Et pour résoudre la question de la distribution des fossiles, comme celle de l’hipparion, un cheval préhistorique ayant vécu simultanément en France et en Floride, les géologues préférèrent imaginer l’existence dans le passé de « ponts de terre » ayant permis à la créature de traverser l’Atlantique, plutôt que d’admettre les mouvements de dérives des continents avancées par le météorologue Wegener.
Les géologues orthodoxes s’évertuèrent à enterrer la théorie de Wegener jusqu’en 1960, lorsque, Harry Hess, un géologue américain, conçoit le modèle dit du « tapis roulant » qui va en plus de valider l’hypothèse de la dérive des continents, contribuer à imposer rien de moins qu’un nouveau paradigme en géologie : la tectonique des plaques
En 1960, des forages du plancher océanique démontrèrent qu’il était très jeune au milieu de l’Atlantique, mais vieillissait à mesure qu’on s’en écartait en direction des rivages. Pourquoi le sol était plus vieux près des côtes alors qu’en plein milieu de l’océan, il était beaucoup plus récent ? Harry Hess se pencha sur la question et comprit que cela ne pouvait signifier qu’une chose : la nouvelle croûte océanique se formait de part et d’autre de la faille centrale, située en plein océan, avant d’être repoussée par la croûte suivante. Il y avait donc deux tapis roulant en plein milieu de l’océan atlantique : l’un formait la croûte pour la repousser vers les côtes américaines et l’autre poussait la croûte vers l’Afrique et l’Europe. Renouvelée à partir de ce qu’on appelle maintenant la dorsale océanique, la nouvelle croûte traverse la moitié de l’océan atlantique pour replonger de nouveau sous terre, lorsqu’elle rencontre les rives des continents, selon un processus appelé subduction. Harry Hess, l’auteur de cette belle explication, fut au début à peu près ignoré par ses pairs comme Wegener avant lui.
Un géologue canadien, Lawrence Morley, démontra en 1963 le phénomène du « tapis roulant » de Hess à l’aide d’études magnétiques du plancher de l’Océan. Mais il ne réussit jamais à faire publier son article qui était pourtant franchement révolutionnaire. L’éditeur du Journal of Geophysical Research lui déclara : « Des spéculations de ce genre font merveille dans les dîners en ville, mais ce ne sont pas des choses que l’on peut publier sous une égide scientifique sérieuse. » Ce fut sans doute, écrivit plus tard un géologue, « l’article le plus important des sciences de la Terre auquel on ait jamais refusé la publication ». Heureusement, des géologues de l’université de Cambridge, Drummond Matthews, un géophysicien, et Fred Vine, l’un de ses doctorants, publièrent au même moment leurs résultats et réussirent à convaincre la très difficile communauté de géologues.
1963, c’était l’année du grand ménage chez les géologues. La terre devenait maintenant une joyeuse mosaïque de plaques qui se bousculaient pour donner naissance à presque tous les phénomènes géologiques que nous connaissons, que ce soit les séismes, la naissance de montagne ou d’île… c’est la naissance de la tectonique des plaques et elle est, depuis 1963, largement acceptée.
On sait maintenant qu’il existe environ 15 plaques grandes et calmes, et une quarantaine d’autres, petites mais très vives. Mais même la tectonique des plaques, si elle est largement acceptée, demeure incomplète. On retrouve par exemple des fossiles d’un même reptile, Lystrosaurus, en antarctique et en Asie mais pas dans le reste des continents qui sont supposés avoir formé une seule plaque dans le passé. Pourquoi on ne retrouve pas des fossiles de ce reptile en Amérique du Sud ou en Afrique ?
Quant à Alfred Wegener, le Météorologue qui révolutionna la géologie, il mourut congelé dans une expédition au Groeland en 1930.
Mais à l’heure où le bilan définitif du tremblement de terre ayant touché la Turquie et la Syrie n’est toujours pas arrêté , revenons un peu sur les séismes, ces phénomènes qu’on connait un peu mieux grâce à la tectonique des plaques.
Si les scientifiques ne peuvent pas prédire la survenue des tremblements de terre, ils peuvent les comparer entre eux grâce à l’échelle développée conjointement par Charles Richter et Beno Gutenberg, même si elle a seulement pris le nom de Richter.
L’échelle de Richer est une mesure axiomatique des mouvements sismiques issue de mesures en surface. Elle est exponentielle, de manière à ce qu’un tremblement de terre de magnitude 7,3 est cinquante fois plus puissant qu’un séisme de 6,3, et 2 500 fois plus puissant qu’un séisme de magnitude 5,3. Un séisme de Magnitude 9 est quant à lui 1089 fois plus puissant qu’un séisme de Magnitude 7 sur l’échelle de Richter. Théoriquement, il n’y a pas de limite à la puissance d’un tremblement de terre. Il faut aussi garder à l’esprit que l’échelle de Richter est une simple mesure de force et ne dit rien des dégâts. Les secousses les plus dangereuses ne sont pas forcément les plus puissantes, même si la magnitude est un élément important. Par exemple, le séisme d’Agadir de 1960 n’était que d’une magnitude de 5.7, mais il frappa pile poile au-dessous de la ville avec les conséquences que l’on connait…
Mais le tremblement de terre le plus dévastateur jamais enregistré dans l’Histoire fut celui de Lisbonne de l’année 1755. La ville fut violemment secouée par un séisme aujourd’hui estimé à magnitude 8.5-9, et comble de l’horreur, ne cessa qu’après sept bonnes longues minutes.
Ce séisme ne manqua pas de toucher le Maroc. Dans leur étude « Tremblement de terre de 1755 au Maroc : histoire, société et religion » des chercheurs reviennent sur l’impact du séisme de Lisbonne sur le Maroc. Un chroniqueur cités par les chercheurs, raconte : « Et l’on reçut des nouvelles de Salé que la mer se retira très loin et la population de Salé sortit pour contempler ce spectacle ; mais le flot revint vers le rivage et s’avança vers l’intérieur des terres jusqu’à environ une « massâfa », submergeant tous les gens qui se trouvaient en dehors de la ville. De nombreuses personnes moururent. Ce flot rencontrant une caravane composée d’un grand nombre de bêtes de somme et de gens se rendant à Marrakech, l’engloutit toute entière. Il emporta toutes les felouques et les barques qui se trouvaient sur le rivage, et une barque fut retrouvée à plus d’une massâfa de la mer. La suprématie est à Dieu seul. » Un autre relate à propos d’El Jadida : « les eaux de l’Océan s’élevèrent au-dessus de la muraille d’El Jadida et se répandirent dans la ville. Un grand nombre de poissons restèrent dans la ville quand la mer fut rentrée dans ses limites habituelles ; la mer déborda aussi sur les terrains de pâture et de culture ainsi que sur les redoutes qu’elle rasa complètement. Les bateaux et les canots du port furent presque tous brisés ». L’étude avertit que les témoins de l’époque ne sont pas nécessairement des sources spécialement fiables tant ils ont l’habitude de dramatiser même s’ il demeure certain que le mois de novembre 1755 fut fort effroyable pour bien des habitants du Maroc. Car en plus du séisme de Lisbonne, un deuxième séisme toucha à la fin de ce même mois de novembre la ville de Meknes. S’ il fut ressenti jusque dans les environs de Fès et Tetouan, il fut spécialement destructeur à Meknes qu’il détruisit presque entièrement.
Si destructeur soit-il, ce séisme surnommé « Meknes Zaytouna » verra son existence débattue. Beaucoup pensaient que le « Meknes Zaytouna » est un événement lié au Séisme océanique de Lisbonne, surtout que chronologiquement, seuls quelques jours le séparent de la deuxième réplique de celui de Lisbonne. Aujourd’hui, et depuis la découverte de nouvelles preuves géologiques à Jbel Zerhoun, il semblerait que les chroniqueurs européens aient confondus les répliques du 18 novembre du séisme de Lisbonne avec les secousses décrites par les sources en arabes qui ont consigné quant à eux une date du 28 novembre de ce qu’ils appellent depuis le séisme de « Meknesa Zeytouna ».
Le Nord du Maroc est régulièrement secoué par des tremblements de terre. Agadir fut victime de l’une des secousses terrestres les plus meurtrières de l’histoire. On sait qu’une bonne partie de la côte atlantique du Maroc est potentiellement exposée à des risques de Tsunami qui pourraient déferler après un séisme océanique similaire au terrible tremblement de 1755. Le Maroc a déjà connu la malchance de subir des tremblements de terre destructeurs, principalement d’origine océanique en 881, 1356, 1531, 1624, 1755, 1757. Et le fait que le Maroc soit situé dans une zone de rencontre entre deux Plaques (celle de l’Afrique et de l’EurAsie) semble y être pour quelque chose.
Mais preuve peut-être des limites de la pourtant robuste théorie de la tectonique des plaques, il existe un nombre de séismes qui se produisent en dehors des zones de convergences des plaques, dont les bousculades sont pourtant presque toujours pointés du doigt dès que la terre tremble. On appelle ces tremblements de terre situés loin des limites entre les plaques, les séismes « intraplaques » et ils peuvent se produire n’importe où et n’importe quand. Quelque chose venant des entrailles de la terre peut les déclencher partout et à tout moment. C’est à peu près tout ce qu’on sait d’eux.
Alors peut-on prédire les tremblements de terre, histoire de s’y préparer ? Vous vous doutez bien que la réponse à cette question est non. Les sismologues ne peuvent pas prédire l’occurrence d’un séisme. Mais plus étrange, les animaux oui ! Car l’agitation des animaux juste avant la survenue des tremblements de terre est un fait peu controversé surtout lorsqu’on connaît la prudence des scientifiques face à tout ce qui peut être apparenté aux délires « paranormaux ».